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M12 : chutes avec frottements
(ancienne version)

Cette version est la vieille version du cours où nous étudiions la chute d'un parachutiste.
Nous avons décidé de faire un étude expérimentale "en direct" avec les étudiants en traitant le cas de la chute du volant de Badminton : la nouvelle version est disponible ici.

Introduction

Nous avons modélisé au chapitre précédent le corps qui chute dans le champ de pesanteur en considérant que les frottements de l’air étaient négligeables. Cette supposition n’ayant qu’une utilité théorique, nous complexifions ici notre modèle en tenant compte de ces frottements : comment ceux-ci vont modifier la trajectoire du corps qui chute? Ce sera l’occasion de voir que ces frottements peuvent être de deux types, linéaires ou quadratiques, nous avons alors rencontré deux types d’équations différentielles: la résolution de la première ne nous posera pas de problème; mais la résolution de la seconde est moins aisée: nous en profiterons pour voir une méthode numérique itérative permettant d’approcher la forme de la solution: la méthode d’Euler.Enfin parmi les deux modèles de forces de frottement, lequel se révèle le plus juste pour étudier le parachutisme? Nous tenterons une réponse à l’aide de la mécanique des fluides

Problème 3

Un parachutiste de masse \(80\,\mathrm{kg}\) réalise un saut depuis un hélicoptère. La première partie du saut, celle qui nous intéresse ici, est réalisée sans parachute. Quelles sont les caractéristiques de celle-ci sachant que les frottements de l’air ne sont pas négligeables?

Système

Le système étudié est le sauteur considéré ponctuel.

Référentiel et base

On étudie son mouvement dans un référentiel terrestre lié au sol (à son point de chute), ce référentiel est considéré galiléen pendant la durée de la chute. On utilisera une base cartésienne à une dimension pour suivre l’évolution du sauteur : un axe Oz vertical ascendant avec origine au point de chute constituera le repère d’étude. On considère en effet que le mouvement du parachutiste est strictement vertical.

Forces

Bilan des forces

Deux types de forces de frottements

La force de frottements de l’air peut prendre deux formes:

Frottements linéaires

Dans le cas d’une vitesse faible, la force de frottement est proportionnelle à la vitesse:

\begin{equation}\overrightarrow{f} = -k\,\overrightarrow{v}\end{equation}

On parle de frottements linéaires. \(k\) est une constante qui dépend de la nature du fluide et des caractéristiques de l’objet. Par exemple pour une sphère de rayon \(r\), on a \(k = 6\,\pi\,\eta\,r\) où \(\eta\) est la viscosité du fluide.

Frottements quadratiques

Dans le cas d’une vitesse importante, la force de frottement est proportionnelle au carré de la vitesse :

\begin{equation}\overrightarrow{f} = -k'\,v\,\overrightarrow{v}\end{equation}

On parle de frottements quadratiques. \(k'\) est aussi une constante qui dépend du fluide et des caractéristiques de l’objet mais elle prend une autre forme que par rapport à \(k\) : son expression est du type \(k' = \frac{1}{2}\,\rho\,C_x\,S\) avec \(\rho\) la masse volumique du fluide, \(S\) la surface frontale de l’objet et \(C_x\) le coefficient de trainée qui dépend de la géométrie du corps. Par exemple, voici trois géométries et trois valeurs de $C_x$:

image
Valeur du $C_\mathrm{x}$ en fonction de la géométrie du corps

Ce coefficient de trainée peut se calculer pour une sphère lisse (sans rugosité) dans le cas d'écoulement à faible vitesse (à faible nombre de Reynolds), il dépend alors du nombre de Reynolds.

Pour des écoulements turbulents (à grand nombre de Reynolds $> 10^3$), on mesure le $C_\mathrm{x}$ en soufflerie. En sachant qu'il est constant pour un corps donné.

Utilisation de la 2ème loi de Newton

\begin{equation}\sum \overrightarrow{F} = m\,\overrightarrow{a} \Longleftrightarrow \overrightarrow{P} + \overrightarrow{f} = m\,\overrightarrow{a}\end{equation}

Résolution du problème dans le cas de frottements linéaires

Equation différentielle

Le PFD donne : \(m\,\overrightarrow{g} - k\,\overrightarrow{v}= m\,\overrightarrow{a}\).

On projette maintenant cette relation sur l’axe Oz vertical ascendant.

\begin{equation}\begin{aligned} -m\,g - k\,v_z = m\,a &\Longleftrightarrow m\,\dfrac{\mathrm{d}v_z}{\mathrm{d}t} + k\,v_z = -m\,g \\ &\Longleftrightarrow \boxed{\dfrac{\mathrm{d}v_z}{\mathrm{d}t} + \dfrac{k}{m}\,v_z = -g} \end{aligned}\end{equation}

On obtient donc une équation différentielle en \(v_z\), linéaire du premier ordre à coefficients constants. On sait résoudre cette équation mathématiquement. Une fois l’expression de la vitesse \(v_z\) obtenue, on en déduira la position par intégration.

Une notation particulière

Souvent ce type d’équation sera écrite ainsi:

\begin{equation}\dfrac{\mathrm{d}v_z}{\mathrm{d}t} + \dfrac{v_z}{\tau} = -g \quad \text{ avec } \quad \tau = \dfrac{m}{k}\end{equation}

La notation \(\tau\) fait référence à un temps. En effet, la grandeur \(\tau = \dfrac{m}{k}\) est un temps caractéristique de la fonction \(v=f(t)\), comme nous allons le voir par la suite.

Solution de l’équation différentielle

Principe

Pour notre problème

On recherche la solution de l’équation complète , qui est une vitesse.

Solution de l’équation homogène

Equation homogène : \(\dfrac{\mathrm{d}v}{\mathrm{d}t}+\dfrac{v}{\tau} = 0 \quad\) \(\Longrightarrow \) Solution: \(v_h = A\, e^{\left(-\dfrac{t}{\tau}\right)}\) avec \(A\) une constante.

On peut vérifier en dérivant une fois \(v_h\) que cette solution vérifie l’équation homogène.

Solution particulière

Le second membre étant constant (égal à \(-g\)), on cherche une solution particulière \(v_p = \mathrm{cste}\). Alors \(\dfrac{\mathrm{d}v_p}{\mathrm{d}t} = 0\) et on obtient \(v_p = -g\,\tau\).

Solution globale

On a donc:

\begin{equation}v_z = A\, e^{\left(-\dfrac{t}{\tau}\right)} + -g\,\tau\end{equation}

On peut maintenant déterminer \(A\) à l’aide des conditions initiales:

\begin{equation}\text{A }t=0 \text{ : } v(t=0) = 0 = A - g\,\tau \Longleftrightarrow A = g\,\tau\end{equation}

Et finalement:

\begin{equation}\boxed{ v_z = g\,\tau\, \left( e^{\left(-\dfrac{t}{\tau}\right)}-1\right)}\end{equation}

Attention, rappelons que cette vitesse est négative puisque le corps qui chute se dirige vers le bas alors que l’axe Oz est vertical ascendant.

Courbe \(|v_z|=f(t)\) et caractéristiques

Courbe

On souhaite visualiser la norme de la vitesse en fonction du temps. Son expression est donc:

\begin{equation}|v_z| = g\,\tau \left(1 - e^{\left(-\dfrac{t}{\tau}\right)}\right)\end{equation}

Voici la courbe obtenue :

image
Chute dans le cas de frottements linéaires

La vitesse augmente d’abord fortement, puis de plus en plus faiblement pour atteindre une valeur limite.

Vitesse limite

Temps caractéristique

La grandeur \(\tau = \dfrac{m}{k}\) est caractéristique de l’évolution de la vitesse dans le temps. Dans ce type d’évolution, on parle de régime transitoire et de régime permanent:

Le temps \(\tau\) est un bon indicateur pour savoir quand on passe d’un régime à l’autre : on considère qu’au bout de \(5\tau\), le régime permanent est atteint.

Détermination de \(\tau\)

On peut obtenir la valeur de \(\tau\) graphiquement : on cherche l’abscisse du point d’intersection entre la tangente à la courbe en \(t=0\) et l’asymptote quand \(t \rightarrow \infty\) de la courbe \(|v_z|=f(t)\).On obtient ainsi la limite entre régime transitoire et régime permanent :

image
Chute, frottements linéaires et temps caractéristique

Obtention de la position

La fonction \(z=f(t)\) s’obtient en intégrant la fonction \(v_z=f(t)\):

\begin{equation}\begin{aligned} &v_z = g\,\tau \left(e^{\left(-\dfrac{t}{\tau}\right)}-1\right) = g\,\tau\,e^{\left(-\dfrac{t}{\tau}\right)} - g\,\tau \\ \Longrightarrow & z(t) = -g\,\tau^2\,e^{\left(-\dfrac{t}{\tau}\right)} - g\,\tau\,t + \mathrm{cste} \end{aligned}\end{equation}

La constante est obtenue à l’aide de la condition initiale de position:A \(t=0\), \(z=h\) donc \(-g\,\tau^2 + \mathrm{cste} = h \Longleftrightarrow \mathrm{cste} = h + g\,\tau^2\)

On a finalement:

\begin{equation}\boxed{z(t) = g\,\tau^2 \left(1 - e^{\left(-\dfrac{t}{\tau}\right)}\right) -g\,\tau\,t + h} \end{equation}

On prend comme altitude de départ \(h = 4000\,\mathrm{m}\).

image
Position en fonction du temps dans le cas de frottements linéaires

La forme de la courbe \(z=f(t)\) montre que la position varie quasi linéairement par rapport au temps, c’est-à-dire qu’on a pratiquement \(z = a\,t+b\) avec \(a\) la pente négative.En effet, nous pouvons voir que l’expression \(1-e^{\left(-\dfrac{t}{\tau}\right)}\) est très petite et que l’expression de \(z(t)\) écrite à l’équation tend vers :

\begin{equation}z(t) = -g\,\tau\,t + h\end{equation}

Il s’agit bien d’une droite de pente \(-g\,\tau\) négative.

Résolution dans le cas de frottements quadratiques

Equation différentielle

Le PFD donne: \(m\,\overrightarrow{g} - k'\,v\,\overrightarrow{v}= m\,\overrightarrow{a}\).

Dans l’optique d’utiliser la méthode d’Euler, nous allons utiliser un axe Oz vertical descendant afin de travailler avec une vitesse positive.

\begin{equation}\begin{aligned} m\,g - k\,v_z^2 = m\,a &\Longleftrightarrow m\,\dfrac{\mathrm{d}v_z}{\mathrm{d}t} + k'\,v_z^2 = m\,g \\ &\Longleftrightarrow \boxed{\dfrac{\mathrm{d}v_z}{\mathrm{d}t} + \dfrac{k'}{m}\,v_z^2 = g} \end{aligned}\end{equation}

Cette équation différentielle n’est pas linéaire, nous ne pouvons pas la résoudre facilement.

Vitesse limite

Par contre, nous pouvons d’ores et déjà connaître la vitesse limite :

Lorsque \(\dfrac{\mathrm{d}v_z}{\mathrm{d}t} = 0\) alors \(v_{z\,\mathrm{lim}} = \sqrt{\dfrac{g\,m}{k'}} = \sqrt{g\,\tau'}\).

Cette équation différentielle, complexe à résoudre, va être l’occasion d’utiliser une méthode de résolution numérique itérative: la méthode d’Euler.

Résolution par la méthode d’Euler

Qu’est ce que la méthode d’Euler

La méthode d’Euler est une méthode numérique itérative qui permet d’obtenir une solution approchée d’une équation différentielle à partir des conditions initiales. C'est une des méthodes numériques simple à comprendre et à mettre en oeuvre.

Pour plus de détails sur ces méthodes numériques (il existe une autre méthode très utilisée, la méthode de Runge-Kutta d'ordre 4) ainsi que leur mise en oeuvre avec un tableur ou un programme python, rendez-vous dans le cours sur les méthodes numériques.

Si on réalise un zoom sur la courbe:

image
Dérivée et temps infinitésimal

On peut alors écrire, en considérant un intervalle de temps \(\delta t\) suffisamment petit:

\begin{equation}\left(\dfrac{\mathrm{d}v}{\mathrm{d}t}\right)_t = \dfrac{\delta v}{\delta t}\end{equation}

On peut alors exprimer la petite variation de vitesse \(\delta v\) qui se produit pendant le petit intervalle de temps \(\delta t\) grâce à l’équation différentielle:

\begin{equation}\text{Si } \dfrac{\mathrm{d}v}{\mathrm{d}t} = A\,v^2 + B \quad \text{alors } \quad \boxed{\delta v = (A\,v^2 + B) \times \delta t} \quad \text{lorsque } \delta t \rightarrow 0\end{equation}
Mise en oeuvre

Utilisation de cette méthode dans notre cas

Obtention de la vitesse en fonction du temps

Pour utiliser cette méthode, il nous faut la valeur des coefficients \(A\) et \(B\) qui apparaissent dans l’équation différentielle:

\begin{equation}\begin{aligned} &\dfrac{\mathrm{d}v_z}{\mathrm{d}t} + \dfrac{k'}{m}\,v_z^2 = g \\ \Longleftrightarrow &\dfrac{\mathrm{d}v_z}{\mathrm{d}t} = -\dfrac{k'}{m} v_z^2 +g = A\,v_z^2 + B \qquad \text{avec} \; A = -\dfrac{k'}{m} \; \text{et} \; B = g\end{aligned}\end{equation}

La valeur de \(B\) est donc connu, on peut évaluer la valeur de \(A\) à partir de la vitesse limite atteinte par un parachutiste. Celle-ci, qui dépend de la position du sauteur lors de la chute, est de \(69,5\,\mathrm{m.s^{-1}}\). Donc:

\begin{equation}v_{z_{\mathrm{lim}}} = \sqrt{\dfrac{g\,m}{k'}} = \sqrt{\dfrac{g}{-A}} \Longrightarrow A = -\dfrac{g}{|v_{z_{\mathrm{lim}}}|^2} = -\dfrac{9,81}{69,5^2} = -2,0\times 10^{-2}\,\mathrm{SI}\end{equation}

On connaît également la vitesse initiale : \(v_z(t=0) = 0\). On peut donc appliquer la méthode en choisissant un pas \(\delta t\) judicieux. On prendra par exemple \(\delta t= 0,3\,\mathrm{s}\). Alors:

\(v_1 = v_0 + (A\,v_0^2 + B)\times \delta t = B\,\delta t = 2,94\,\mathrm{m.s^{-1}}\)
\(v_2 = v_1 + (A\,v_1^2 + B)\times \delta t = 5,87\,\mathrm{m.s^{-1}}\)

...

A l’aide d’un tableur, on répète les calculs jusqu’au temps voulu. On peut ensuite tracer la courbe \(v_z=f(t)\). Ci-dessous, on a tracé les courbes pour des pas de calculs différents. On remarque qu’il n’y a pas de différences entre nos trois tests.

image
Méthode d'Euler appliquée au cas de frottements quadratiques
Qu’en est-il de la position en fonction du temps?

Pour obtenir la courbe de position en fonction du temps, on part de la donnée de vitesse et on calcule la distance parcourue par la formule classique \(v = \dfrac{d}{t}\). On utilise cette formule pour chaque ligne du tableur dans lequel on a exploité la méthode d’Euler. On a ensuite changé l’origine pour prendre le point de départ du parachutiste à \(4000\,\mathrm{m}\).

image
Position en fonction du temps dans le cas de frottements quadratiques

Quel type de frottements est le plus approprié pour l’étude du mouvement d’un parachutiste?

Il faut faire appel à la mécanique des fluides pour répondre à cette question. En effet, on peut changer de point de vue, et plutôt que de considérer la chute du parachutiste dans l’air, on étudie l’écoulement de l’air autour du parachutiste fixe. C’est écoulement est souvent complexe, il n’est pas seulement caractérisé par la vitesse relative \(v\) du fluide, mais par un nombre sans dimension appelé nombre de Reynolds:

\begin{equation}R_e = \dfrac{v\,d\,\rho}{\eta}\end{equation}

\(\left\{\begin{array}{l} \text{$Re$ : nombre de Reynolds sans dimension.}\\ \text{$v$ : vitesse relative de fluide en $\mathrm{m.s^{-1}}$}\\ \text{$d$ : taille caractéristique de l'écoulement en m} \\ \text{$\rho$ : masse volumique du fluide en $\mathrm{kg.m^{-3}}$}\\ \text{$\eta$ : viscosité du fluide en $\mathrm{Pa.s}$}\\ \end{array}\right.\)

On distingue alors plusieurs types d’écoulement:

Dans le cas de la chute du parachutiste, le fluide est l’air, sa viscosité est d’environ \(\eta = 1,7 \times 10^{-5}\mathrm{Pa.s}\) ; le nombre de Reynolds a de grande chance d’être supérieur à \(10^3\): l’écoulement est turbulent et les frottements quadratiques.

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